Beaucoup de bruit pour rien ? Modes de consommation quotidiens en Suisse en 2019 et 2023

22. mai 2023 (in Deutsch / in English)

Deux ans de pandémie ont laissé des traces dans notre vie professionnelle. Horaires de travail flexibles, télétravail et cyberconférences sont les mots à la mode de l’après-pandémie. Mais ont-elles également laissé leur empreinte sur les modes de consommation quotidiens ?

A l’aide des données du Monitoring Consumption Switzerland (MCS), nous cherchons à savoir si le modèle de consommation des services de restauration par jour de semaine a changé au cours des trois dernières années. Nous analysons les données quotidiennes de la catégorie de la restauration, car c’est elle qui est la plus susceptible de révéler les nouveaux modèles de travail.[1]

Nous comparons les modes de consommation quotidien moyens entre 2019 et 2023. Deux éléments peuvent affecter l’analyse. Premièrement, il y a actuellement une transition des paiements en espèces vers les paiements par carte, cela a également été observé dans des études antérieures du MCS. Deuxièmement, l’inflation est devenu plus importante ces dernières années. Ces deux problèmes fausseraient une analyse basée sur les dépenses absolues ou les simples changements de pourcentage entre 2019 et 2023. Pour les résoudre, nous analysons les parts de consommation quotidienne, par rapport à l’ensemble des dépenses de la semaine dans leur catégorie respective (MCC), puis nous calculons la moyenne des parts quotidiennes pour le premier trimestre 2019 et 2023.

Afin d’examiner l’impact des changements dans les habitudes de consommation, nous divisons les agglomérations en trois types pour analyser comment les environnements urbains ou ruraux ont pu être affectés : les centres-villes, les zones urbanisées multi-orientées (désignées par Agglomération : Autre dans la Figure 2), et les zones rurales (désignées par Autres Municipalités dans la Figure 3).  Les figures 1 à 3 montrent les comparaisons de la consommation par jour de semaine entre le premier trimestre 2019 (période prépandémique) et le premier trimestre 2023 (période postpandémique).

La figure 1 illustre les parts de consommation moyennes quotidiennes dans les centres-villes, effectuées au point de vente (PDV). La somme des parts des jours de la semaine représentée dans la figure 1 est la part de la consommation dans les centres-villes pour la restauration par rapport à la consommation totale dans cette catégorie de dépenses pour tous les types d’agglomération (c’est-à-dire que la somme des parts pour les types d’agglomération dans les figures 1 à 3 est égale à 1).

La figure 1 montre que une augmentation continue de la consommation du lundi au samedi. La part diminue fortement le dimanche pour atteindre à peu près le même niveau que le lundi. Il n’est pas surprenant que les centres-villes aient la part de consommation la plus élevée parmi les différents types d’agglomération : en 2023, sur l’ensemble de la semaine, ils représentent 55,1 % de toutes les dépenses pour la restauration. En 2019, cette part est légèrement inférieure, à 54,8 %. Nous ne constatons donc pas de déplacement marqué de la consommation en direction ou en dehors des centres-villes. Les variations quotidiennes des parts sont également faibles. Néanmoins, il y a deux exceptions : le lundi, la part de la consommation a chuté de 5,6 % à 5,2 % et le samedi, elle a augmenté de 9,9 % à 10,8 %. Pour le reste, les parts sont restées pratiquement les mêmes.

Figure 1. Notes : Moyenne de la part de la consommation journalière dans la restauration dans les centres-villes par rapport à l’ensemble des dépenses de restauration en Suisse.

Dans les figures 2 et 3, nous montrons les parts de dépenses pour les centres urbanisés multi-orientés (Agglomération : Autres), c’est-à-dire principalement les zones de navettage, et les zones plus rurales (Autres Municipalités). Les zones de navettage représentaient 28,1% des dépenses de consommation hebdomadaires pour les services de restauration en 2019 et 26,4% en 2023. Les zones plus rurales représentaient 17,1 % en 2019 et 18,5 % en 2023. Il semble donc qu’il y ait un léger déplacement des dépenses de consommation des zones de navettage vers les zones plus rurales.

L’analyse des modes de consommation quotidiens révèle que les changements sont uniformément répartis sur les jours de la semaine. Presque tous les jours de la semaine dans les zone urbanisées multi-orientées ont une part de dépenses plus faible, surtout les lundis et les vendredis. En revanche, en 2023, la part des dépenses a augmenté pour chaque jour de la semaine dans les zones plus rurale. Les données suggèrent donc un déplacement des centres urbains multi-orientés vers les zones rurales.

Quelles sont les causes de ces changements ? Il est possible qu’une partie de la population passe plus de temps dans les zones rurales en 2023 qu’en 2019 et donc, qu’elle consomme dans celles-ci. Il n’est toutefois pas évident de comprendre pourquoi une telle tendance aurait affecté davantage les zones de navettage que les centres-villes. En outre, les changements observés sont très faibles. Dans l’ensemble, les données ne révèlent pas de changements importants dans les modes de consommation qui auraient pu être associés aux nouveaux modèles de travail et de vie postpandémique. Les conséquences des modèles de vie et de travail postpandémiques sur les dépenses de consommation restent donc un sujet épineux qui nécessite de nouvelles recherches. Pour citer à nouveau Shakespeare : “Oh, que de ronces dans ce monde de travail ! »

Figure 2. Notes : Moyenne de la part de la consommation journalière dans la restauration dans les zones urbaines multi-orientées par rapport à l’ensemble des dépenses de restauration en Suisse.

Figure 3. Notes : Moyenne de la part de la consommation journalière dans la restauration dans les zones rurales par rapport à l’ensemble des dépenses de restauration en Suisse.


[1] Bien entendu, une analyse plus détaillée pourrait examiner les données intrajournalières en se concentrant sur les heures de déplacement spécifiques du matin et de l’après-midi. Cependant, comme les données sont agrégées pour chaque jour, nous ne pouvons pas effectuer une telle analyse.